Dans notre série d’articles sur les bienfaits de la lecture, voici peut-être le bienfait le plus inattendu…
La lecture développe notre empathie et notre intelligence émotionnelle !
Autrement dit, elle nous aide à être plus sociable, à mieux comprendre les émotions d’autrui et à nous relier plus facilement à nos semblables. Mais lorsque je dis « lecture », ce n’est pas n’importe laquelle… Regardons cela de plus près.
Lire de la fiction pour développer notre empathie
Toutes les études montrent que c’est la lecture de récits de fiction qui nous permet de développer notre empathie. Certaines études (notamment celle de Mar et ses collègues dont je parle ci-dessous) montrent même que la lecture de documentaires aurait l’effet inverse…
La fiction prend beaucoup de place dans notre vie, que ce soit le roman qui nous accompagne dans le bus chaque matin ou le soir avant de nous endormir, la série que nous regardons pour nous détendre, ou la BD que nous lisons dans le journal du jour. Ce que la fiction nous permet est unique : nous entrons dans de nouveaux mondes, faisons connaissances de nouvelles personnes.
De même que nous utilisons des simulateurs de vol pour apprendre à piloter, la fiction fait office de simulateur de réalité. Elle nous permet de vivre de vraies émotions, malgré le caractère fictif des personnages et des situations. Comme nous allons le voir, cette simulation peut avoir de véritables conséquences sur notre monde réel.
Quelques études scientifiques sur la lecture et l’empathie
Je suis notamment tombée sur une étude très intéressante de Mar et ses collègues datant de 2009. Dans cette étude, les chercheurs ont montré que des cobayes à qui on demande de faire des exercices mettant en évidence leur empathie ont de meilleurs résultats s’ils sont des lecteurs réguliers de fiction. Et ceci indépendamment de certaines caractéristiques telles que l’âge, le genre et certains traits de personnalité.
Pourquoi ce résultat ? Deux hypothèses semblent valables, mais elles restent encore à étudier :
- le transfert direct de connaissances sociales : le lecteur de fiction accumule des informations sociales concrètes grâce aux récits qu’il lit. Il acquière ainsi des connaissances sur la psychologie humaine et les relations sociales. Il est ensuite plus à même de comprendre les autres et les relations sociales dans la vraie vie.
- le perfectionnement des processus socio-cognitifs : la simulation des expériences sociales durant la lecture met en jeu les mêmes processus socio-cognitifs (la reconnaissance des émotions, l’inférence mentale, etc.) que les mêmes expériences dans le monde réel. La répétition de ces simulations par la lecture pourrait développer ces processus empathiques chez le lecteur, qui pourraient ensuite mieux les appliquer dans la vraie vie.
Comment devenir un vampire sans se faire mordre…
Dans une autre étude datant de 2011, les chercheurs ont fait lire à 140 jeunes gens des extraits de Twilight de Stephenie Meyer ou de Harry Potter de J. K. Rowling. Les candidats ont ensuite passé des tests où ils devaient catégoriser des termes représentant le moi (mien, moi…) et des termes en rapport avec la magie, ou des termes représentant ce qui n’est pas moi (eux, leur…) et des termes en rapport avec les vampires, puis l’inverse. On leur a ensuite posé des questions en rapport avec l’univers dont ils avaient lu un passage pour mesurer leur identification à cet univers.
Résultats : les participants ayant lu un passage de Twilight s’identifiaient à des vampires, et ceux qui avaient lu Harry Potter s’identifiaient à des magiciens !
Les auteurs concluent que « Les livres proposent aux lecteurs de s’immerger et de se plonger dans des mondes imaginaires. Ils offrent donc la possibilité de créer du lien social ainsi que de développer un calme apaisant produit par le sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand que soi, durant un instant précieux et éphémère. »
La lecture affecte donc notre personnalité, notamment par l’identification aux personnages !
Mieux appréhender les situations inédites
Que pouvons-nous conclure de ces études ?
Lorsque nous avons rencontré une situation à travers un récit de fiction, il semble donc que nous soyons mieux préparé à y faire face dans la vie réelle. Nous avons vu comment le personnage l’a vécue et gérée, nous avons eu un aperçu de ce que cela peut représenter dans une vie. Bien sûr, nous sommes différent du personnage en question. Nous n’allons pas avoir les mêmes réactions et notre gestion des circonstances sera peut-être différente, mais grâce à notre lecture, nous ne partons pas « de zéro ».
Une boîte à outils émotionnelle ?
Pourrait-on aller jusqu’à dire que plus on lit, mieux on est armé pour faire face à la vie ? C’est probablement un peu exagéré, car la gestion émotionnelle dépend de toutes sortes de facteurs. Mais on peut espérer que nos lectures nous construisent petit à petit une « boîte à outils » émotionnelle, nous donnant un avantage ou nous fournissant une aide lorsque le moment sera venu de rencontrer telle ou telle situation.
S’identifier à autrui
Comme nous l’avons vu dans le deuxième épisode de cette série sur les bienfaits de la lecture, le fait de lire le récit de l’expérience vécue par quelqu’un d’autre a un effet similaire sur notre cerveau au fait de vivre cette expérience nous-même.
Avez-vous remarqué que lorsque, dans votre vie, vous faites l’expérience d’une nouvelle situation, il est ensuite bien plus facile d’entrer en relation avec une autre personne qui vit cette même situation ? Et cela fonctionne avec une situation difficile, de souffrance, ou une situation joyeuse qui procure du bonheur. A partir du moment où nous l’avons nous-même vécu, nous pouvons nous identifier à ce que l’autre expérimente et entrer en empathie avec lui, au lieu de simplement recevoir le récit de la personne au niveau de l’intellect.
Et puisque « lire » est presque égal à « vivre », se mettre dans la peau d’un personnage, vivre ses aventures à ses côtés, améliore notre capacité à nous mettre à la place d’autrui. Voilà la définition de l’empathie : la capacité à s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent !
La lecture : un simple loisir ?
Les diverses études dont nous venons de parler nous montre une chose : la lecture de fiction n’est pas une activité de loisirs insignifiante qui prend fin lorsqu’on referme le livre. Elle nous influence profondément, et influence la manière dont nous entrons en relation avec les autres.
- La lecture permet d’accumuler des connaissances sur la psychologie humaines et les relations sociales.
- La lecture développe les processus cognitifs impliqués dans les relations sociales.
- La lecture permet un processus d’identification aux personnages, nous faisant partager ce qu’ils vivent.
Voilà de quoi démonter l’image du « rat de bibliothèque » solitaire et asocial… c’est même tout le contraire !
Et vous, arrivez-vous à vous identifier facilement aux personnages de roman ? Avez-vous l’impression que cela vous apporte quelque chose dans votre vie quotidienne ? Partagez-le en commentaire !
Pour lire les deux premiers épisodes de cette série sur les bienfaits de la lecture, c’est ici : Episode 1 : Faire une pause et Episode 2 : Comprendre le monde
Oui, je m’identifie certainement à certains personnages des livres de fiction que je lis. Je dois même faire attention : si ces personnages sont par trop négatifs dans leurs attitudes, j’aurai tendance à me laisser influencer… Je dois donc bien choisir ce que je lis selon mon humeur et ce que je vis dans le moment présent ! Je trouve plus facile (malheureusement) de détecter les influences négatives… que les positives. Je vais essayer d’être plus attentive à ces aspects dans mes prochaines lectures.