Offrir un livre… Quelque chose que vous faites probablement régulièrement, pour Noël, un anniversaire ou juste pour le plaisir. C’est pratique, c’est un cadeau qui dure, qui cultive, c’est un bel objet qu’on aime avoir en main. Mais c’est souvent difficile de trouver LE bon livre pour la personne à qui vous aimeriez faire plaisir ! Parfois, on choisit l’option « bon cadeau », moins risquée. Mais lorsque l’on décide tout de même de choisir un titre précis, n’est-ce pas un peu de soi qu’on offre avec le livre, tant le choix est personnel ? offrir un livre de Sylvain Tesson

Aujourd’hui, je vous offre un peu de moi pour répondre à l’invitation de La Voyageothèque, un blog qui nous emmène en voyage par les livres. Carine, son auteure, m’a proposé d’écrire sur le livre que j’offrirais à un passionné de voyage… Voilà ma réponse.

Si vous suivez régulièrement ce blog, vous aurez remarqué que j’aime beaucoup les récits d’aventures, notamment liées à la montagne, et plus généralement à la nature. Il y a déjà quelques années, j’avais lu un récit qui m’avait fait rêver en réveillant ma fibre sauvage et solitaire… Un homme, passant six mois seul dans une cabane en bois au bord du Lac Baïkal. Vous l’avez reconnu ?

Bien sûr, il s’agissait de Sylvain Tesson et de son livre « Dans les forêts de Sibérie ». Les années passant, j’ai lu quelques-uns des nombreux récits de Tesson, et j’ai dévoré le dernier paru en librairie et déjà grand succès éditorial à l’heure de publier cet article : « La panthère des neiges ».

Je vous invite donc dans l’univers « Tessonesque » à la faveur de trois livres choisis parmi sa prolifique production ! Mais tout d’abord…

 

Quelques mots pour faire connaissance avec Sylvain Tesson

Sylvain Tesson

Sylvain Tesson, chez lui, juin 2018 © Radio France / Vincent Josse

Il y a probablement deux temps dans la vie de Sylvain Tesson : un avant et un après. Au milieu ? Cet accident d’août 2014 où il chute du toit d’un chalet, en visite chez Jean-Christophe Rufin à Chamonix. S’en suit quelques jours de coma artificiel, des multiples traumatismes, le laissant avec une paralysie partielle du visage et une oreille sourde.

Mais que faisait-il sur ce toit ? Tenez-vous bien, Tesson est « toiturophile », de l’espèce de ceux qui aiment monter sur les toits. Dans son cas, la passion le mène particulièrement sur les toitures, clochers et flèches de cathédrales, excusez du peu ! Heureusement pour lui, c’est « seulement » d’un chalet de 10 mètres qu’il est tombé…

Avant cela, sa vie n’avait été qu’un « carnaval endiablé et légèrement suicidaire » selon ses propres mots. A 19 ans, il traverse une partie de l’Islande à vélo, puis part faire de la spéléologie à Bornéo. S’ensuit un tour du monde à vélo, la traversée de l’Himalaya à pied, et des tribulations à travers l’Asie et tous ses recoins, donnant lieu à près d’une dizaine de livres.

Après l’accident, obligé de revoir son rythme et sa philosophie de vie, il continue l’aventure mais sous des formes un peu différentes, comme nous le verrons ci-dessous. Parmi les récits d’aventure et de voyage de Sylvain Tesson, en voilà trois que je vous propose comme idée cadeau pour vos proches férus de grands espaces :

 

 

1. Un livre à offrir à celui qui n’a pas peur de la vodka et du tabasco

Seul livre de ma sélection que l’auteur a écrit avant son accident, « Dans les forêts de Sibérie » a été ma première lecture de Tesson. Contrairement à son habitude, le projet du voyage en question était plutôt immobile : passer 6 mois dans une cabane en bois de trois mètres sur trois sur les bords du Lac Baïkal.

Pas de traversée de continent, pas de kilomètres à parcourir à pied ou à vélo, mais un face à face avec lui-même dans un environnement invitant à la contemplation. De l’hiver à l’été, Tesson voit défiler les saisons, les métamorphoses du lac suivant la courbe des températures, les visites des animaux, poétiques comme celles des mésanges qu’il observe derrière la fenêtre, ou plus menaçantes telles celles des ours à la recherche de nourriture.

De temps en temps, la civilisation montre le bout de son nez sous la forme d’une jeep et de quelques Russes venus partager des litres de vodka. Parce que oui, dans ce livre il est beaucoup question de vodka, des litres de vodka. Mais aussi de bouteilles de tabasco, des dizaines de bouteilles. Il faut bien égayer ces heures solitaires et froides ! Deux chiens le rejoignent également au printemps, histoire de l’avertir de la visite des ours et de lui tenir compagnie.

Mais même bloqué dans un petit coin de Sibérie, l’aventure n’est jamais loin. Sylvain Tesson part à la découverte des pentes couvertes de forêt à l’arrière de sa cabane ou explore l’étendue plate et lisse du lac qui s’ouvre devant lui, décorée d’arabesques incroyables dessinées dans la glace. Il sort ensuite le kayak, une fois la débâcle passée.

Jour après jour, l’auteur tient son journal pour nous conter cette retraite sobre (sauf en terme d’alcool !) en communion avec la nature. Heureusement, il a pris une caisse de livres avec lui :

« Si on me demande pourquoi je suis venu m’enfermer ici, je répondrai que j’avais de la lecture en retard. » Sylvain Tesson

 

 

2. Un livre à offrir à celui qu’un paradis à -30° ne rebute pas

« La panthère des neiges », dernier opus en date de Sylvain Tesson, est un livre un peu différent. Ici, ce n’est pas lui qui mène l’aventure. Il se laisse embarquer par une figure de la photographie animalière, Vincent Munier, accompagné de son amie et de son assistant, direction les hauts plateaux tibétains pour traquer la panthère des neiges. Animal mythique des montagnes rocheuses de cette région de l’Asie, il n’en reste plus que quelques milliers, autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Heureusement, Munier connaît bien la région et sait où l’animal se cache.

A la lecture de ce texte, j’ai eu l’impression d’assister à une petite révolution dans la tête de Sylvain Tesson. Sous l’influence de ses trois compagnons d’aventures, rompus aux techniques d’affût et d’observation des animaux, Tesson réalise qu’il a passé sa vie à voyager sans rien voir de la magie de la nature autour de lui. Bien sûr, il a décrit les paysages traversés lors de ses nombreux voyages, rencontré quelques animaux par hasard. Mais il était resté ignorant des myriades d’yeux qui l’observaient à la dérobée, de cette vie sauvage, invisible ou fugace, qu’il faut tellement de patience et de ruse pour découvrir.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :  Bonheur et développement personnel : Les livres et vous #2 avec Tiffany

Couché sur la terre gelée ou dans des buissons, immobile par -30°, il apprend à repérer loups, antilopes, renards, ânes sauvages, oiseaux. Et surtout les yacks sauvages, ces animaux tout droit sortis de la préhistoire, seigneurs immuables de ces montagnes tibétaines. Bien sûr, le moment de grâce tant attendu de la rencontre avec la panthère des neiges aura également lieu, mais je vous laisse le plaisir de le découvrir à travers les mots de Tesson, tant cette rencontre résonne avec son histoire à lui.

A la faveur de ce voyage, Sylvain Tesson nous dresse également le portait de Vincent Munier, photographe animalier et véritable artiste dans son domaine. Personnage fascinant et intriguant, tout comme Tesson lui-même, il a fait le choix, par sa photo, de célébrer le beau, l’esthétique, la magie de la nature. A ses détracteurs qui lui reprochent de voir le monde avec des yeux de bisounours, il répond qu’il y a bien assez de voix pour alerter sur les dangers qui menacent notre terre. Lui a pris le parti de l’émerveillement, dès sa première rencontre avec une biche, tout gamin dans ses Vosges natales. Armé de son téléobjectif, il sublime les animaux lors d’expéditions aux quatre coins de la terre.

En complément, regardez et écoutez Sylvain Tesson et Vincent Munier raconter leur aventure sur France Culture :

YouTube

En chargeant cette vidéo, vous acceptez la politique de confidentialité de YouTube.
En savoir plus

Charger la vidéo

 

3. Un livre à offrir à celui qui pense que l’aventure commence devant chez lui

Après la Russie et les plateaux du Tibet, je vous propose « Sur les chemins noirs », un livre qui tranche avec l’exotisme des voyages de Sylvain Tesson. Bien malgré lui puisqu’il s’agit du récit du voyage qu’il a entrepris pour se reconstruire après sa chute, un an plus tard. Obligé de viser moins haut et moins loin, le marcheur décide d’arpenter les sentiers de la France profonde durant un peu plus de deux mois, de la frontière italienne à La Hague.

Saisissant la « carte de la France hyper-rurale », en explorateur de son propre pays, il trace une diagonale au 25’000ème en évitant le plus possible la civilisation et les habitations. Tantôt en bivouac sous les étoiles, armé de son sac de couchage, tantôt logeant dans de petites auberges, seul ou accompagné d’amis venus lui emboîter le pas pour quelques jours, Sylvain Tesson traverse son pays par « les chemins noirs », les chemins oubliés en marge du progrès.

C’est aussi un chemin de guérison qu’il entreprend, comptant sur l’exercice de la marche pour parfaire la rééducation prescrite par les médecins. Les débuts sont difficiles, son dos encombré de plaques et de vis le fait souffrir, mais la magie du mouvement à l’oeuvre lui redonne peu à peu endurance et résistance. Une crise d’épilepsie, heureusement lorsqu’un ami est présent, et un petit retour à l’hôpital lui rappellent tout de même que des séquelles resteront à vie.

Ce récit est également l’occasion pour Tesson de disserter sur les métamorphoses de la France, en particulier des campagnes qui se vident ou changent à grande vitesse au fil des politiques agricoles. Pour nous, lecteurs, c’est comme un atlas vivant de la France campagnarde qui défile sous nos yeux, du Sud chaud et odorant jusqu’aux falaises et plages salées du Nord. C’est un plaisir de retrouver dans les descriptions du marcheur des régions et des paysages connus, tout en donnant envie de partir explorer les recoins de la France dont on n’a entendu que le nom !

 

« Il m’aura fallu courir le monde et tomber d’un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j’ignorais les replis, d’un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides. » Sylvain Tesson

 

 

Au bout du monde (ou moins loin) avec Sylvain Tesson…

J’espère vous avoir donné envie de partir en voyage livresque ! Et d’offrir l’un de ces ouvrages à vos proches qui rêvent de terres lointaines. De mon côté, je suis très heureuse de les avoir lus : ils ont réjoui ma fibre naturaliste et mes envies d’évasion.

A la lumière de ces trois livres, j’ai également trouvé intéressant de voir comment le voyageur qu’est Sylvain Tesson a réussi à poursuivre ses pérégrinations malgré des séquelles physiques qui en auraient freiné plus d’un… Son dernier voyage à la recherche de la panthère m’a particulièrement impressionnée puisque la haute montagne et les conditions climatiques extrêmes demandent une grande résistance physique et un moral à toute épreuve !

Ecrivain lauréat de plusieurs prix littéraires, voyageur hors pair, Tesson caracole régulièrement en tête des meilleures ventes avec ses carnets de voyage qui ne cessent de nous faire rêver, même en périple dans son propre pays. Alors, bonne lecture !